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Marc Isaacs / documentariste britannique

Publié par tronche de cinoche sur 22 Février 2006, 13:38pm

Catégories : #Portraits et interviews de cinéastes

Rencontre avec le cinéaste Marc Isaacs. L'un de ses documentaires est diffusé ce jeudi à 22h05 sur Arte, Calais, la dernière frontière. A ne manquer sous aucun prétexte!

Il y a de ces rencontres qui vous redonnent la foi... la foi dans le journalisme et en une télé intelligente.
Ce samedi soir au Carré Davidson de Tours, dans une salle minuscule mais bondée, Marc Issacs était là dans toute sa simplicité. Simplicité dans son apparence et dans sa manière de s'adresser au public. C'est sûrement ce petit plus qui lui permet de faire des documentaires d'une telle qualité, en particulier par la richesse de ses interviews dans Lift ou Calais, la dernière frontière. Ces 2 docs, réalisés respectivement en 2001 et 2003, étaient projetés tous deux dans le cadre du festival Sans Canal Fixe à tours, la semaine dernière.
Lift, c'est tout simplement la vie d'une communauté londonienne à travers un ascenseur.
Calais, la dernière frontière, c'est la confrontation de deux mondes: une certaine bourgeoisie britannique qui arrive en France pour faire le plein de bière, vin et fromage; des immigrés qui cherchent l'asile en Angleterre.
Ces 2 documentaires proposent une certaine vision de la population immigrée en Grande-Bretagne et en France. Ceux qui ont déjà réussi à émigrer en Grande-Bretagne et ceux qui y aspirent.
Morceaux choisis de la rencontre avec Marc Isaacs, documentariste britannique, qui travaille pour la BBC notamment.
 
Quel a été le point de départ de Lift?
L'idée de l'ascenseur m'est venue quand je travaillais sur un long métrage de fiction qui était tourné dans un grand immeuble dans une ville en bord de mer en Angleterre, un peu comme Calais, où il y a beaucoup de réfugiés.
A passer du temps dans l'ascenseur, l'idée m'est venue. Je voulais trouver le même genre d'endroit multiculturel, mais pas le même. Dès le premier endroit je suis tombée sur la vieille dame que l'on voit dans le doc. Je voulais pouvoir faire un portrait de l'immigration.
 
Combien de temps avez-vous passé dans l'immeuble?
Le tournage a duré un mois. Parfois, je filmais une heure, parfois 10 par jour. Au bout d'un moment, je connaissais leur routine donc je pouvais attendre les locataires que je voulais voir.
Je devais faire partie de la vie du batiment, en y passant beaucoup de temps pour pousser à la confidence. Je n'ai rencontré personne avant de commencer à tourner, mais je leur avais écrit. Et un assistant les a rencontrés pour leur parler du projet et apprendre à les connaitre.
 
Comment avez-vous sélectionné les personnages?
Je n'ai pas chois les personnages finalement; c'est eux qui m'ont choisi!
Pour Calais, j’ai fait 2-3 semaines de repérages sur place. J’ai d’abord rencontré Steve le barman. J’ai découvert les lieux de tournage : la baraque à frites, les restes du centre de Sangatte, l’hotel Bristol, etc. Ensuite, quand je suis retourné à Calais pour filmer, j’ai rencontré Ijazh., puis Paul. Mais il me manquait un personnage pour l’histoire du lieu : Tulia était la femme de la situation ! Parfois, on a un coup de chance !
 
Comment parvenez-vous à installer un tel climat de confiance avec vos personnages?
Je passe beaucoup de temps avec les gens. On établit une relation, mais c'est une relation assez bizarre car je ne suis pas trop proche d'eux. J'essaye aussi de faire en sorte que les gens me donnent certaines choses pour la première fois devant la caméra. J'attend aussi que les gens aient confiance pour leur demander certaines choses. La magie du documentaire, c'est que certaines choses ne se passent qu'une fois.
 
Quel est votre rapport avec la télévision?
Il faut parfois mentir pour arriver à faire ce qu'on veut faire. Les gens qui font de la télé sont là un jour, mais pas forcément le lendemain. Moi, je continue à faire des films. C'est plus facile en France qu'en Angleterre: les Français ont une vision beaucoup plus intelligente du cinéma. Arte a acheté mon doc sur Calais tout de suite.

"La télé, c'est juste une machine qui lâche de l'argent... Ce que les gens de télé diffusent leur importe peu... Pour moi, c'est une partie de ma vie!"

Marc Isaacs
 

La caméra a un pouvoir indéniable sur les gens que vous filmez...
Je pense que certaines personnes se sentent obligées de dire une certaine forme de vérité devant la caméra. C’est le cas de Tulia (dans Calais, la dernière frontière) qui m’a dit des choses très personnelles. On a tous au fond de nous un désir de laisser une certaine trace de son passage.

 

Ne pensez vous pas que les gens que vous avez filmé dans Calais ont une vision idéalisée de la Grande-Bretagne?
La plupart de ces gens parlent anglais. Les passeurs, qui organisent les trafics, vantent les mérites de la Grande-Bretagne. C’est très facile de se cacher là-bas et il n’y a pas encore de carte d’identité. Il y a aussi plein de petites communautés où trouver refuge ; il y a des petits Afghanistan, etc. où il est facile de trouver du travail, etc. Beaucoup de gens à Londres viennent d’ailleurs, donc la police ne va pas vous arrêter dans la rue parce que vous avez la peau foncée.


"A Londres, vous pouvez vous cacher et ça met du temps avant de vous faire expulser si vous cherchez l’asile."

Marc Isaacs

 

Quels sont vos projets?
Je suis en train de tourner un film sur un rabbin anglais qui vit avec ses sept femmes. Ca parle de sa famille. Cet homme se prend pour un patriarche à l’ancienne. C’est une sorte d’anti-héros. Je viens de finir aussi un film qui passera sur Arte bientôt. Il parle des premières amours de 2 jeunes enfants dans une commune isolée, le tout dans une narration rimée. C’est encore un documentaire narratif qui s’appelle Un jour mon prince viendra.


 

* Propos recueillis au Carré Davidson à Tours dans le cadre du festival Sans Canal Fixe 2006
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