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Je ne suis pas là pour être aimé

Publié par tronche de cinoche sur 7 Octobre 2005, 22:00pm

de Stéphane Brizé, France, 2005





style: tango émotionnel


L'histoire
Un cinquantenaire, divorcé, lassé de son métier d'huissier de justice, décidé à faire plus d'exercice physique entreprend d'apprendre le tango. Il y fait la connaissance de Françoise, qui prépare son mariage.


Mon avis
C'est LA bonne surprise de la rentrée cinéma. N'allez surtout pas croire que ce film n'est qu'une N-ième comédie sentimentale pour les ménagères de moins de 50 ans! Ce film est une véritable réussite, un grand moment de cinéma comme on aimerait en voir plus souvent: beaucoup de sensibilité, d'émotion, et tellement de justesse. Grâce aux acteurs qui sont tous épatants, même les seconds rôles qui ont une certaine épaisseur; Anne Consigny, que j'ai découvert dans ce film, dégage vraiment quelque chose. Je suis restée scotchée à mon siège, submergée par l'émotion que dégage ce film. Tout se passe dans les non-dits, les silences et dans les beaux passges de tango. Stéphane Brizé est un jeune réalisateur prometteur (il a fait plusieurs court-métrages et un long, Le Bleu des villes, en 1999) qui sait mêler avec subtilité humour et émotion. Allez voir ce film et parlez en autour de vous. C'est malheureusement un beau film, d'auteur mais accessible, qui pourrait venir à disparaitre trop vite de l'affiche face à d'autres plus grandes sorties.


date de sortie: le 12 octobre 2005




Rencontre avec le réalisateur Stéphane Brizé et l'actrice Anne Consigny
Je ne suis pas là pour être aimé est le deuxième film de Stéphane Brizé,  après Le Bleu des villes.
Anne Consigny a joué récemment dans 36, quai des Orfèvres.


  


Pourquoi avez-vous de nouveau choisi un métier dit difficile, ingrat pour votre rôle principal? Il en était de même dans votre premier long métrage, Le Bleu des villes.
S.B. Huissier, c'est un métier difficile parce que l'on doit faire abstraction de ses sentiments. On doit être blindé pour ne pas avoir à faire aux émotions. Je trouve ça intéressant. Ca me touche les personnages qui tiennent la distance. J'ai affaire à des personnages qui ont des problèmes dans ce qui est de l'odre de l'affectif.

Pourquoi avoir choisi le tango comme fil conducteur du film?
S.B. Le tango n'est pas une danse désuète. Il y a énormément de bals. Le tango m'est venu très spontanément. J'ai pensé à ça car la mélancolie qui est associée au tango fait très largement écho à la mélancolie du personnage principal. Je psne que c'est une danse qui est pleine de sensualité et même de sexualité, mais il y a quelque chose de très élégant. Le personnage principal peut s'autoriser à aller vers cette danse parce qu'elle n'est pas trop "inquiétante". Elle est codifiée comme Jean-Claude, le personnage principal du film.


Où avez-vous puisé toute cette émotion, cette justesse et cette sensibilité?
S.B. Ma matière première, c'est mon histoire personnelle, c'est les réflexions que j'ai, ce que je ressens dans la vie. Et ensuite je projette dans les différents personnages à l'écran. Cette difficulté à communiquer avec les gens très proches, que l'on aime tellement... quand ça n'existe pas, c'est une douleur qutour de laquelle il est difficile de se construire, qui est un manque toute une vie. C'est effectivement quelque chose qui a marqué ma vie, comme elle a marqué plein plein de gens. C'est rare en fait que les choses soient exprimées en fait dans les familles à cause de la pudeur. Il y a de l'amour dans toutes les familles, mais il y a parfois peu de preuves d'amour, des mots qui ne sont pas dits. Ce que je trouvais émouvant, c'était de voir que Jean-Claude (Patrick Chesnais), quelqu'un de raide dans ses bottes, était toujours le fils, toujours un gamin: la douleur de l'enfant est toujours présente à 50 ans; il n'a rien réglé avec son père. La rencontre avec Françoise (Anne Consigny) va avoir des conséquences dans la relation avec son fils. Le père et le fils sont deux personnes qui se sont ratées. Jean-Claude n'a pas appris à aimer, n'a pas appris à être aimé.


Pourquoi ce titre?
S.B. Je pense que le titre peut s'adapter aux autres personnages: la secrétaire, le père de Jean-Claude, son fils... Ils ont du mal avec l'amour. C'est un titre qui a beaucoup partagé. Au moment de l'écriture, tout le monde avait un avis sur le titre: il était soit formidable soit suicidaire. Moi à l'arrivée, j'aime beaucoup ce titre et c'est première chose autour de laquelle je construis le film. J'ai besoin d'avoir le titre rapidement; ça me donne le sentiment de tenir mon sujet. C'est construit autour de cette problématique. J'écoute cette petite voix intérieure qui me fait venir des idées, des personnages; ensuite je construis dans le détail la psychologie des personnages, leurs rapports, leur évolution.

Anne Consigny, qu'est-ce qu'il y a de vous chez Françoise?
A.C. J'adore le personnage de Françoise. J'ai beaucoup d'admiration et de tendresse pour elle, donc je vais pas dire que je lui ressemble vachement! J'aimerais bien être comme elle: avoir cette dignité, cette abnégation, cette générosité et ce courage. Elle s'est donnée comme challenge d'etre fidèle aux autres; finalement c'est à elle qu'elle est attentive. Moi ça me touche beaucoup. Dans l'éducation que j'ai reçu et les gens de ma génération -j'ai grandi dans un milieu catholique pratiquant- on nous apprend beaucoup à être généreux mais surtout pas à être égoïste. J'aimerais bien pouvoir élever mes enfants dans cet esprit où l'on sait parfois être égoïste, penser à soi. On dit que quand on a un héros, on a quelque chose de lui en soi, donc disons que Françoise est mon héros et que j'ai quelque chose d'elle en moi!

Comment s'est faite la distribution du film?
S.B. Je n'écris pas en pensant à des acteurs car pour moi c'est très réducteur. Donc j'écris les personnages et ensuite je réfléchis à qui pourrait les interpréter. Il fallait quand même quelqu'un d'assez agé pour jouer le père de Jean-Claude. Il fallait aussi quelqu'un d'assez imposant qui puisse écraser Jean-Claude. Très vite, j'ai pensé à Georges Wilson. Il a d'abord refusé même s'il avait apprécié le scénario car il m'a dit "Le personnage du père de Jean-Claude, c'est moi! Donc c'est trop douloureux; je ne le ferais pas."

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* propos recueillis au cinéma Les Studio de Tours, le 7 octobre 2005
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C
<br /> J'ai veillé tard devant la télévision, hier soir, pour en revoir une partie. Je l'avais beaucoup aimé à sa sortie. Connaissant l'histoire, j'ai été encore plus ému en concentrant mon attention sur<br /> le jeu des personnages et ce film est vraiment une merveille, un joyau de subtilité des sentiments. Tous les acteurs sont formidables (ainsi que les petits rôles : la vendeuse de parfums, les deux<br /> policiers, la femme expulsée...). Je vais acheter le DVD !<br /> <br /> <br />
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T
merci pour le commentaire. Juste une précision: moi aussi l'idée d'aller voir un film avec Patrick Chesnais me tentait moyen au début, mais je dois dire que Patrick Chesnais est vraiment épatant dans ce role: tout en finesse et subtilité.
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A
a priori, ce film a peu de choses pour me séduire : une comédie et avec Patrick CHESNAIS (que je place plutôt dans les seconds rôles quelques peu délaissé par le cinéma ces dernières années). Mais bon, pourquoi pas, même si mettre 9 euros pour ça me semble excessif...
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